Faute grave de l’agent commercial : tolérance du mandant durant l’exécution du contrat

La qualification de faute grave privative d’indemnité pour l’agent commercial dépend de plusieurs éléments. En particulier, la faute grave pourra être exclue lorsque le mandant a toléré le comportement de l’agent commercial durant l’exécution du contrat

 

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Source image : Avocat spécialisé en indemnité d’agent commercial

1- Rappel des principes

L’indemnité compensatrice de fin de contrat de l’agent commercial est prévue par les dispositions du code de commerce. Seule la faute grave de l’agent commercial est privative d’indemnité.

2- La caractérisation d’une faute grave

La faute grave de l’agent commercial est celle qui rend impossible la poursuite des relations entre les parties.

Cette définition rend difficile la qualification d’une faute grave, notamment lorsqu’il apparait que le mandant a toléré les agissements de l’agent commercial qui sont énumérées en vue d’invoquer une faute grave lors du procès.

Un arrêt récent illustre cette idée : CA Aix-en-Provence, 29-10-2020, n° 19/04527

« Faute grave de l’agent commercial

(…)

En l’espèce, la SCEA L’OURS soutient tout d’abord qu’en 2013, son seul et unique client, à l’égard duquel elle se trouvait en dépendance économique, la société .. M.BAGO MONTANER PIETRINI BOISSONS lui a imposé de faire appel aux services de la société SUDWIN, que le gérant de cette société n’en, a réalité, travaillé que pour cette société, et n’a pas exécuté le contrat d’agent commercial en bon professionnel.

Elle affirme que la société SUDWIN a, d’une part, négligé de prospecter la clientèle en ne faisant pas la promotion du vin produit par elle, qu’en deux ans, elle n’a rapporté aucun client nouveau, la société P.M. BAGO MONTANER PIETRI BOISSONS qui était cliente avant la conclusion du contrat est restée la seule cliente, et d’autre part la société SUWIN n’a jamais rendu compte à son mandant de l’état du marché, du comportement de la clientèle et des initiatives de la concurrence, comme elle en avait l’obligation en application de l’article 4 du contrat, de sorte qu’une faute grave privative de l’indemnité de rupture est caractérisée.

Les factures de commissions sur ventes versées aux débats par la SCEA L OURS en pièce 8 sont toutes effectivement des factures concernant des ventes à la société MONTANER PIETRI et la société SUDWIN ne fait pas non plus état de nouveaux clients démarchés. Pour autant force est de constater que la SCEA L’OURS ne verse pas d’autres pièces à l’appui de ses affirmations. Si les attestations versées aux débats par la société SUDWIN, et dont les signataires font état des démarches de prospection ( participation à des portes ouvertes ou à des tournées) sont insuffisantes pour emporter la conviction de la cour dès lors qu’elles émanent du l’ancien gérant de la société SUDWIN, M Aa A, et de personnes employées par la société SUDWIN, à l’exclusion de clients ou tiers, il convient de rappeler que la charge de la preuve d’une faute grave incombe au mandant, en l’occurrence à la SCEA L’OURS. La pièce 5 que la SCEA L’OURS invoque pour établir que sa propre prospection après rupture du contrat a porté ses fruits, s’agissant d’un document établi sur papier libre et sans référence de date, n’ a pas de valeur probante.

La SCEA L’OURS, alors qu’elle fait le reproche d’une faute grave par absence de prospection pendant les deux années d’exécution du contrat, ne justifie d’aucune lettre à son agent commercial pour le mettre en demeure de respecter les termes du contrat, et que l’activité s’évince des relevés de commissions et factures versés aux débats (pièce 8 ) . Il en est de même pour le grief selon lequel l’agent n’aurait adressé aucun compte-rendu écrit à son mandant. Il s’en infère que le comportement de l’agent a été toléré, de sorte qu’une faute grave ne peut être retenue à ces deux titres.

La SCEA L’OURS justifie également la rupture sans indemnité du contrat d’agent commercial, considérant que le fait pour la société SUDWIN d’avoir procédé à une cession de ses parts sociales à un tiers sans l’informer constitue une faute au regard des dispositions de l’article 8 du contrat d’agent commercial.

L’article 8 du contrat susvisé envisage la transmission du mandat à un successeur par la société SUDWIN et la faculté pour le mandant de s’y opposer. Il stipule qu’en cas de refus non motivé par une cause réelle et sérieuse, l’agent commercial recevra une indemnité égale aux deux dernières années de commissions reçues. Les dispositions de l’article 8 ne visent pas l’hypothèse d’une cession à un tiers des parts sociales de la société SUDWIN, qui au demeurant dans ce cas, reste liée par le contrat d’agent commercial à la SCEA L’OURS. Aucune faute grave de l’agent commercial n’est donc caractérisée à ce titre, de sorte que l’agent est bien-fondé à solliciter une indemnité de fin de contrat. Le jugement critiqué sera confirmé de ce chef. »

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